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La pensée cistercienne :
- message : l'amour, l'Incarnation, Marie, l'existence chrétienne
-sermons de saint Bernard de Clairvaux à partir du Cantique des Cantiques, extraits
- florilège : très souvent cités : l'amitié, la joie, la prière, le repos, le silence... et bien d'autres
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Non coupables mais solidaires...
Saint Paul dans la première épître aux Corinthiens :
"Si une partie du corps souffre, toutes les autres souffrent avec elle (1 Co 12, 26).
Chacun de nous est atteint par le mal et/ou le bien que fait chacun. Chacun de nous, - qu'il le veuille ou non ! - est touché par le bouleversement causé par le contenu du rapport Sauvé.
Avec Bernard de Clairvaux
nous resituer en Eglise : 1. L'Eglise de Bernard de Clairvaux
trouver le chemin à emprunter : 2.
Ses conseils au Pape... et à tout serviteur
nous éclairer sur la présence du mal : 3. Commentaires du Sermon sur le Cantique
L'Eglise de Bernard de Clairvaux
L'Eglise en crise
A un moment de la vie de Bernard de Clairvaux, à partir de 1130, l'Eglise vivait un schisme. « Des partis s'étaient constitués au sein du collège des cardinaux : en fonction des rivalités des grandes familles romaines, particulièrement celle des Frangipani et celle des Pierleoni qui visaient à mettre la main sur le siège apostolique afin de diriger la ville. »
Dès l'annonce de la mort du Pape Honorius le parti des Frangipani élisait Innocent II tandis que quelques heures plus tard celui des Pierleoni élisait Anaclet II, élections toutes deux entachées d'irrégularités. Innocent II, était reconnu pour un pape plutôt réformateur tandis qu'Anaclet, noble romain était enclin à un destin politique. Aucun des deux ne consentit à se retirer.
A partir de ce jour Bernard va écrire et voyager pour que l'ensemble de l'Eglise se rallie effectivement à Innocent II. Avec assurance et humilité il met toute son ardeur à promouvoir l'unité de l'Eglise...
Les notes qui suivent sont tirées de l'ouvrage : Bernard de Clairvaux par Jean Leclercq
En italique des textes de saint Bernard
Bernard a la grâce de saisir que ce dont l'Eglise a besoin, désormais, c'est d'une réforme non plus législative et juridique, d'organisation et de politique, mais, essentiellement, morale et religieuse. C'est à ce niveau qu'il dépense son activité.
Il a exactement perçu les problèmes qui se posaient à tous les niveaux de la hiérarchie ecclésiastique, spécialement au plus élevé d'entre eux, celui de la papauté, c'est-à-dire non seulement du pape, mais de son entourage : clergé de Rome, personnel de la cour pontificale associé aux fonctions extérieures du chef de l'Eglise, membres de la curie, cardinaux participant au gouvernement. Partout sévissait l'ambition et la vénalité. Bernard ne propose pas de changement au "système" ; il demande simplement une réforme des cœurs. Le rôle de Bernard n'est pas d'intervenir en un autre domaine que celui des consciences.
MAIS qu'est-ce que l'Eglise ?
Toute l'œuvre déployée par Bernard dans l'Eglise de son temps n'est qu'une mise en application de sa doctrine de l'Eglise : elle n'est pas d'abord une organisation hiérarchisée, elle est un organisme vivant, animé de la vie même de Dieu, qui est Trois Personnes.
Le Christ fait son Eglise de ceux qui acceptent le don de son Esprit qui les conduit au Père.
Mais celle-ci n'existe pas dans l'abstrait : elle est faite de personnes. Le Christ s'unit donc à des personnes. Bernard peut ainsi affirmer que "chacun de nous et tous ensemble, nous sommes l'Eglise".
De cette nature même de l'Eglise comme communion découle, pour chacun de ses membres, le devoir et la possibilité de vivre dans la charité : chacun doit faire du bien à tous, sans exception, même à ses ennemis, par une aide corporelle ou spirituelle, selon les cas ; il ne faut pas verser l'onguent de la compassion seulement sur la tête ou les pieds, mais "sur le corps entier qui est l'Eglise"
Bernard ne diminue en rien la valeur de l'organisation nécessaire à l'Eglise, mais celle-ci doit être au service de l'amour mutuel qui unit tous ses membres.
Réalisation parmi les hommes elle connaît les problèmes qui sont liés à sa finitude.
Bernard met en application le primat de la charité, laquelle doit se manifester dans les deux principales sphères de l'activité humaine :
la vie de prière, par laquelle on participe à la contemplation réciproque des trois Personnes, à celle du Christ regardant son Père dans l'Esprit
et le service désintéressé de tous envers tous.
Dans ces deux domaines, il y avait beaucoup à faire quand St Bernard commença à écrire.
En moi (l'Eglise), Dieu a mis de l'ordre dans la charité. Cela s'est réalisé quand, à l'Eglise il a donné certains hommes comme apôtres, d'autres comme prophètes, évangélistes, pasteurs, docteurs, pour le perfectionnement des saints. Mais il importe que, tous ceux-là, une même charité les lie et les accorde dans l'unité du Corps du Christ : ce qui serait impossible si le Corps lui-même ne comportait pas un ordre" Faute de quoi, si chacun voulait se livrer, selon son caprice, à n'importe quelle activité, "il y aurait non pas unité mais confusion"
"Heureux le prélat qui, quels que soient les biens qui passent par ses mains - bienfaits de Dieu envers les hommes ou dons des hommes à Dieu - considère tout avec le regard de la colombe, ne retenant rien pour lui-même : il désire le progrès de son peuple et il n'usurpe rien de la gloire de Dieu."
Conseils au Pape
Bernard remplit des écrits de son enseignement : Sermon aux clercs sur la conversion, Sur la conduite et les devoirs des évêques... et "La considération" thèse adressée au Pape.
N.B. Si Bernard, dans le texte de "la considération", fournit une thèse applicable à tous les clercs de tous les temps, il s'adresse au Pape qu'il connaissait.
Toi aussi, tu ne dois occuper le premier rang que pour pressentir les besoins, décider des mesures à prendre, que pour remplir fonctions de gérant et de garde. Tu ne dois l'occuper, ce premier rang, que pour y servir, comme cet esclave prudent et fidèle à qui son maître avait donné autorité sur les gens de sa maison. Pourquoi as-tu reçu autorité ? C'est pour que tu donnes à ceux qui te sont confiés, et au moment où ils en ont besoin, la nourriture ; autrement dit, c'est pour que tu répartisses, non pour que tu commandes. Oui, agis en serviteur. Homme toi-même, ne cherche pas à asservir les autres hommes : cela t'asservirait à mille iniquités. Mais je t'en dit assez là-dessus, quand nous avons examiné plus haut qui tu es.
J'ajouterai pourtant un mot, car il n'est ni fer ni poison que je redoute autant pour toi que la passion de dominer. Oui, quelque opinion que tu aies de ton pouvoir, crois bien que tu irais loin dans l'erreur s'il t'arrivait de dépasser, même d'un rien, celui que t'ont transmis les grands Apôtres.
Rappelle-toi maintenant cette parole de S. Paul : " Je suis le débiteur de ceux qui savent et de ceux qui ne savent pas". Si tu la juges applicable à toi-même, note donc en passant le titre obscur de débiteur. Ne convient-il pas mieux au serviteur qu'au maître ? C'est au serviteur qu'il a été dit dans l'Evangile : " Combien dois-tu à mon maître ? " Si tu reconnais donc en toi le débiteur de ceux qui savent et de ceux qui ne savent pas, et non leur maître, tu leur consacreras tes soins les plus diligents, ta considération la plus attentive ; tu rechercheras les moyens qui te permettront de faire tenir la vérité à ceux qui ne l'ont pas et de ramener à cette vérité ceux qui l'ont perdue. De tous les ignorants les plus ignorants, si je puis dire, ne sont-ils pas les infidèles ? Oui, tu te dois aussi aux infidèles : aux juifs, aux grecs, aux gentils..
Aux sermons 63 et 64 sur le Cantique, Bernard de Clairvaux commente « Attrapez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car notre vigne a fleuri » (Ct 2, 15)
Quels sont ces vignes et ces renards selon le sens spirituel ?
Il est dans votre intérêt, mes fils, que chacun veille sur sa propre vigne, lorsqu’il aura vu, par mes explications, en quoi et contre qui surtout il faut faire bonne garde.
Pour l’homme sage, la vigne c’est sa vie, son âme, sa conscience. Le sage ne laissera en lui-même rien en friche ni à l’abandon.
L’insensé ne fait pas de même : chez lui, tu trouveras que tout est négligé, tout est en ruine, tout est inculte et sale. L’insensé n’a pas de vigne. Comment y aurait-il une vigne là où n’apparaît nulle part quoi que ce soit de planté ou de travaillé ? La vie de l’insensé n’est qu’une forêt d’épines et de ronces et elle serait une vigne ? Même si elle l’a été, elle ne l’est plus maintenant qu’elle est réduite à la désolation. Où est le cep de la vertu ? Où est la grappe des bonnes œuvres ? Où est le vin de la joie spirituelle ?(...)
Au sage seul, qui possède la vie, il convient d’avoir ou plutôt d’être une vigne. Que tu l’appelles juste ou sage, jamais il ne sera sans vigne, puisqu’il ne sera jamais sans vie. Car pour lui la vigne est la même chose que la vie. Et la vie du juste est bonne. Ou mieux, le juste est une bonne vigne : sa vertu est le cep ; son action, les sarments ; le témoignage de sa conscience, le vin ; sa langue, le pressoir qui l’exprime. Vois-tu que rien n’est inutilisé chez le sage ? Paroles, pensées, manière de vivre, et tout le reste, comment tout ne « serait-il pas le champ que Dieu cultive, la construction de Dieu » (1 Co 3, 9) et « la vigne du Seigneur Sabaoth » (Is 5, 7) ? Enfin, qu’est-ce qui pourrait se perdre chez lui, puisque « son feuillage même ne tombera pas » (Ps 1, 3) ? (...)
Une telle vigne, d’ailleurs, ne sera jamais à l’abri d’attaques et d’embûches. Car là où les richesses abondent, abondent aussi ceux qui les dévorent. Le pire des renards, c’est le détracteur caché, mais le flatteur mielleux n’est pas moins méchant. Le sage se gardera de ces gens-là. Il mettra tout en œuvre, dans la mesure de ses forces, pour attraper ceux qui agissent de la sorte ; mais pour les attraper par ses bienfaits et ses services, par ses avertissements salutaires et par les prières qu’il fera à Dieu pour eux.(...)
Les renards ce sont les tentations.
Or, les tentations sont diverses, selon la diversité des âges. Les puissances ennemies n’osent pas s’opposer ouvertement aux occupations plus saintes des progressants. Pourtant elles ont coutumes de leur dresser des embûches dissimulées, comme des renardeaux rusés : vertus en apparence, vices en réalité. (...)
J’ai vu un homme « qui courait bien ». Il se dit si j’étais dans mon pays, à combien de gens je pourrais sûrement faire partager le bien dont je jouis seul ici... Il s’est perdu le misérable, et il n’a gagné aucun des siens. Voilà un renardeau : cet espoir trompeur qu’il a eu de gagner les siens. Toi aussi tu peux par toi-même trouver ou remarquer en toi-même bien d’autres renardeaux semblables à celui-ci. (...)
Il arrive parfois qu’un religieux en très bonne voie se sente irrigué par une généreuse profusion de la grâce céleste. Aussitôt lui vient à l’esprit le désir de prêcher, un peu partout à toutes sortes de gens. Voilà un renard, et d’autant plus dangereux que le premier, qu’il survient plus furtivement. mais je vais te l’attraper. « Personne ne s’attribue cet honneur, mais seulement celui qui y est appelé par Dieu comme Aaron » (Héb 5, 4) Prêcher en public n’est pas permis à celui qui n’en a pas reçu mission. Dans toute inspiration intérieure de telle sorte, qu’elle soit le fruit de ta pensée ou la suggestion d’un ange mauvais, reconnais un renardeau trompeur, c’est-à-dire un mal déguisé en bien. (...)
Ces petits animaux qui ravagent les vignes, je dirais qu’ils sont petits non par la méchanceté, mais par la sveltesse et la subtilité. Car ce genre d’animal est rusé par nature, et très empressé à nuire en cachette. Il me semble désigner avec beaucoup d’à-propos certains vices très subtils qui se couvrent de l’apparence de vertus. Aussi est-il difficile de s’en garder, à moins d’être parfaits et bien exercés, et d’avoir les yeux du cœur assez illuminés pour discerner le bien et le mal, et surtout pour discerner les esprits. L’Epoux commande, non d’exterminer ces renards ou de les chasser mais de les attraper. Car il faut que ces petites bêtes spirituelles futées soient observées et examinées avec toute la vigilance et la circonspection possibles, et qu’elles soient ainsi attrapées, c’est-à-dire prises au piège de leur ruse. (...) Seule cette espèce de malice a ceci en propre, qu’une fois reconnue, elle ne peut plus du tout nuire, si bien que la reconnaître c’est la vaincre. (...)
« Attrapez-nous les renards »
O douceur ! O grâce ! O force de l’amour ! Est-ce ainsi que notre souverain à tous s’est fait l’un de nous tous ? Qui a fait cela ? L’amour, oublieux de sa dignité, riche en bonté, puissant dans son affection, efficace dans son pouvoir de persuasion. Quoi de plus violent que l’amour ? Et pourtant quoi de moins violent ? Il est l’amour. Enfin il s’est anéanti lui-même pour que tu saches ceci : c’est par amour que la plénitude s’est répandue, que la hauteur s’est aplanie, que la singularité a fait alliance.