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Présentation grenier - cisterciens
La pensée cistercienne :
- message : l'amour, l'Incarnation, Marie, l'existence chrétienne
-sermons de saint Bernard de Clairvaux à partir du Cantique des Cantiques, extraits
- florilège : très souvent cités : l'amitié, la joie, la prière, le repos, le silence... et bien d'autres
Un aujourd'hui de la vie cistercienne : les événements - Tibhirine - la lectio divina - la liturgie
L'histoire du monachisme cistercien
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NOUVELLE ETAPE (2) : EN COMMUNAUTE
Oui, il est bon, il est doux pour des frères
de vivre ensemble et d'être unis.
Psaume (132-133, 1
8 août 2022 La vie au monastère 1.
Frère Paul :
Cela se passe à Vinzier en Haute-Savoie.
Sa vie est celle d'un homme issu d'un petit village, une vie modeste dans un monde agricole et une scolarité qui, comme pour la plupart des jeunes de son époque s'arrête au brevet élémentaire. Fils d'artisan, forgeron maréchal-ferrant, il aide son père, et vit très simplement avec ses parents dans une vieille maison typique de la vallée, avec une écurie et quelques animaux. Sa mère tient un petit café avec un débit de tabac, un lieu de rencontre pour tout le village. Après son service militaire en Algérie il suit une formation de plombier-chauffagiste.
Sa vie est très marquée par l'engagement comme pompier volontaire et comme conseiller communal et finalement adjoint au maire. (p. 51)
Après le décès de son père il peut laisser libre cours à un désir qui devait le travailler depuis longtemps, il entre au monastère cistercien de Tamié. Les prêtres du secteur paroissial et des amis le pressent d'écrire un article pour le journal paroissial afin que les chrétiens qu'il a côtoyés, puis quittés, puissent comprendre son choix. Très simplement il donne le sens d'une vie monastique.
Je voudrais essayer d'apporter une réponse à ceux qui, parmi vous, se sont demandé les raisons qui m'ont conduit à ce choix.
J'ai sans doute mis longtemps pour comprendre et percevoir l'infinie tendresse de Dieu pour nous, que tout est grâce, l'amour de Dieu dépasse tout ce qu'on peut imaginer.
"Quiconque perd sa vie à cause de moi, l'assurera" (MT 16, 225 ) Le moine s'engage à vivre ce renoncement.
Dans la pauvreté : spirituelle d'abord, il sait qu'il n'est rien qu'un pécheur, serviteur inutile et que sans le Seigneur il ne peut rien faire. Matérielle aussi, il ne possède rien en propre.
Dans l'amour chaste : l'amour de Dieu doit passer avant tout autre attache ; le moine a renoncé au foyer qu'il aurait pu fonder, quitte sa famille et ses amis mais cet amour de Dieu pour être vrai (celui qui dit "j'aime Dieu" et n'aime pas son frère est un menteur, Jn 4, 20) doit se vivre avec tous les frères de la communauté et d'une façon très universelle à travers chacun de nos frères humains par l'accueil, la prière et aussi le partage matériel.
Dans l'obéissance : en obéissant à ses frères et au premier d'entre eux, l'Abbé, le moine obéit à Dieu, imitant le Christ qui s'est fait obéissant jusqu'à la Croix, qui est venu pour servir et non pour être servi (Mt 20, 28). Cette obéissance ne détruit pas toute initiative, ni le sens des responsabilités, mais demande de renoncer à toute volonté de puissance, toute ambition et pouvoir.
Le moine
s'engage aussi à demeurer dans une communauté qui vit dans un lieu précis et renonce par là même à toutes les facilités qu'on rencontre habituellement dans le monde.
La journée du moine se partage entre la prière, la lecture et le travail manuel ou autre.
Cité p. 51
Frère Luc :
Me voici de nouveau à Tibhirine où je continue à faire les mêmes gestes : prier, le soin des malades, et la cuisine.
Lettre à Mn 23.121.89 p.113
Ce que nous faisons existera toujours, si nous nous consacrons à notre tâche comme à une tâche éternelle. faire ce que nous avons à faire, dans l'Amour , en homme déjà ressuscité.
La misère en Algérie s'infiltre partout.
Lettre à Gr 23.08.92 p.114
Frère Michel
A son arrivée à Tibhirine :
Frère Michel a pris la cuisine... impression d'aisance profonde qu'il donne et sentiment qu'il exprime lui-même, qu'il est à sa place. Sous des dehors austères, réservés et un peu empruntés (ou maladroits) il cache une grande attention à autrui, un sens de l'organisation qu'on n'attendrait pas, et aussi de l'humour et de la joie.
De C. de Chergé à dom Emmanuel C. p. 157
Je l'aime cette petite communauté, avec son orientation propre et dans le monde musulman. Si je suis ici aujourd'hui, malgré ma pauvreté, ma misère et mon péché, c'est parce que Dieu m'a aimé, qu'il continue de m'aimer, et que son amour m'a comblé, moi n'y étant pour rien. je suis un peu comme un piano faux avec lequel Dieu veut jouer juste. A lui louange et gloire éternellement
Lors de sa profession solennelle, 28.08. 86 p. 165
8 septembre La vie au monastère .2
Par... avec... pour...
Pas de moines sans communauté. pas de communauté sans moines.
Les moines cisterciens suivent la Règle de saint Benoît, on peut dire qu'elle est le guide de la vie "cénobitique". Le film "Des hommes et des dieux montrait bien cette vie en commun. Un des documents de ce site présente cet ensemble.
Frère Bruno :
C'était l'âge d'or du mouvement "Cœurs vaillants" et celui de la "Croisade eucharistique"; C'est toujours avec beaucoup d'émotion que j'évoque ces jours, ces années où vous m'avez fait connaitre Dieu et la joie qu'il y a à l'aimer plus que tout. Et puis vous m'avez éclairé sur le grand projet de Dieu à mon égard : à douze ans, je comprenais ma vocation de prêtre.
Homélie pour un jubilé de religieuse 28.09.75, p. 193
Avant même d'être ordonné prêtre, il ressent un attrait pour la vie contemplative. A la demande de son évêque, il exerce un ministère auprès de jeunes scolaires. Temps d'épreuves, d'alternances d'ombres et de lumières, de joies et de souffrances. Il rejoint régulièrement l'abbaye de Bellefontaine. Il y entre lorsque son évêque discerne enfin le bien-fondé de sa demande. Il s'y trouve depuis quatre ans déjà lorsqu'il prend connaissance de l'appel du Frère Prieur de Notre-Dame de l'Atlas en 1984. Il ressent alors une nouvelle forme de l'appel de Dieu pour l'Atlas. Il partira en même temps que frère Michel le 27 août 1984.
Dans une lettre circulaire Bruno raconte le voyage et les premières heures au monastère. Simple présentation des lieux et des personnes, elle nous entrouve son quotidien.
A quelques kilomètres de Médéa, peu de route nous reste à faire pour parvenir au monastère, mais la route se présente maintenant dans son état le plus naturel, c'est-à-dire, sans revêtement : chaque passage de voiture soulève un nuage de poussière et de sable qui se conjugue avec celui soulevé par le vent.
Nous découvrons notre nouveau monastère : son aspect est entre l'oasis et le désert. Les murs de Notre-Dame de l'Atlas sont à l'image de tout ce qui les entoure : : brûlés de soleil et couverts de sable. Ainsi la végétation, ainsi le visage de tous ceux qui habitent ici.
Père Christian, le prieur, nous reçoit avec beaucoup de gentillesse à l'hôtellerie réservée aux dames parce que située juste à l'entrée du monastère. Présentations. Rafraîchissement. Et nous commençons la visite du monastère. D'abord la chapelle (il y fera bon prier)... le réfectoire (la table est déjà mise) ; le "scriptorium" ( ou salle d'études commune avec un petit bureau pour chaque moine... la grande terrasse regardant la montage toute colorée de soleil, le dortoir (nos affaires y sont déposées) : petite cellule avec un lit, une table, une chaise, et même une descente de lit... quelques autres pièces (cuisine, lavabo) ; et nous faisons un petit tour dans le "parc" quelques grands et beaux arbres, des aloès gigantesques, des rosiers mais le tout se ressent de la sécheresse (il n'a pas plu depuis le mois de mai) et du poids de la poussière déposée par le vent. Une visite aussi au cimetière.
Nous saluons les Frères du monastère : père Jean de la Croix (au repos dans sa chambre), père Jean-Baptiste (muni d'un plâtre de marche à la suite d'une chute récente du haut d'une échelle), père Roland qui se tient à la porterie, Frère Luc le médecin (et le cuisinier). Dans le jardin nous trouvons frère Marie et son aide, Ali, qui travaille au monastère depuis trente ans.
Visite et présentation terminées, il est l'heure de nous préparer pour la célébration de la Messe. La célébration commence par le chant des Vêpres, puis suivent les lectures de la Messe du jour et l'Eucharistie : la célébration se fait posément, avec de longs moments de silence, et père prieur renouvelle ses souhaits d'accueil aux deux frères en provenance de Bellefontaine. Après l'Eucharistie, un long moment d'action de grâce. Puis le repas (lectures des Sentences des Père du désert et de "Musique pour notre temps" de Miguel Angel Estrella). Et le chapitre : père prieur nous demande, à frère Michel et à moi, de nous présenter, de dire simplement et dans les grandes lignes ce que fut notre passé, et aussi la raison qui nous a fait demander une année d'essai de vie monastique à Notre-dame de l'Atlas. Après cette réunion, nous nous rendons à la chapelle pour l'office de Complies que termine comme dans tous nos monastères cisterciens le chant du "Salve Regina" (en grégorien bien entendu) devant l'icône de la Vierge Marie seule éclairée par la flamme d'un cierge.
Lettre circulaire 27-28.08.84, p.218-220
Bruno devra retourner à Bellefontaine pour se préparer à s'engager définitivement à Tibhirine le 21 mars 1990.
Vivre l'Evangile dans notre tradition cistercienne et parmi nos frères musulmans. Rendre présente, permanente en cette terre d'islam,
la prière de Jésus, notamment par l'oraison prolongée de nuit devant le tabernacle. Désir de vivre avec l'accompagnement de mes frères, "pauvre, silencieux, priant, serviteur".
Lettre 17.12.89, p. 241
Frère Christophe :
Vous parler des joies de la vie communautaire ? C'est vrai que ça existe, que c'est bon de vivre en frères, et que la joie survient des fois, en plus, comme un cadeau. Plus on a le cœur creux et les mains pauvres, plus on reçoit. Aujourd'hui c'est l'Esprit Lui-même qui vient : Dieu se donne et vient se donner en nous, de bien des façons pas forcément canoniques (c'est la liberté un peu folle du vent). Et cet Esprit nous construit ensemble : différents pour que soit belle et vraie l'Unité qu’il dessine (et qui pourrait prétendre connaître les plans et les mesures ?) Dieu nous aime ensemble. J'aime penser cela : c'est reposant et c'est exigeant car il faut le lui permettre... et lui donner le temps. Et c'est là le travail de toute une vie.
Lettre à ses parents Pentecôte 79, p.570
8 octobre : Toute une vie n'y suffit pas !
Frère Michel : Je suis à mon affaire cela ne veut pas dire que je suis moine. Continue à prier pour que ma communauté et moi, le soyons selon le cœur de Dieu.
Cité p. 160
Frère Paul : L'engagement définitif ne peut intervenir avant une période de six ans ; ce délai est nécessaire pour vérifier l'authenticité de l'appel, pour la purification des motivations et pour subir l'épreuve de la durée. Le chemin qui me reste à faire est encore long, il n'est pas non plus possible d'atteindre son aboutissement dans cette vie présente.
Cité p. 54
Vérification qui se fait à travers la vie partagée, par les échanges, par l'aide du père maître des novices, le Père Abbé... C'est toute la communauté qui s'engage en même temps que celui qui le fait personnellement. La communauté de l'Abbaye d'Aiguebelle demande à Frère Christian de différer un engagement définitif, Christian désire s'engager pour l'Atlas mais ce monastère n'a pas encore le statut d'abbaye et dépend d'Aiguebelle...
Frère Christian
Je ne conçois pas d'idéal cistercien qui ne soit d'abord communautaire, vie fraternelle dans la solitude et la communion en quête de Dieu.
La profession temporaire n'est donc pas une demi-mesure à titre d'essai, une façon de retenir ce qu'un jour il faudra bien consentir à abandonner tout à fait, un sursis offert à une liberté factice. Elle me lie pour chaque jour dans la totalité d'une authentique vie monastique
Mais, le caractère temporaire de ce lien, je l'accepte et le désire pour trois raisons principales ; et il en est d'autres.
1. Mes insuffisances, mes inaptitudes, détectées ou non, mes erreurs de jugement. Je reconnais que d'autres peuvent encore m'aider à discerner une autre volonté de Dieu sur moi. C'est là une éventualité qui ne peut être rejetée, même si, aujourd'hui, mes évidences la rendent improbable.
2. La communauté, l'Ordre auxquels je me lie ont droit à ce délai supplémentaire qui manifeste le caractère ecclésial de toute vocation : "nul ne peut y prétendre s'il n'est appelé par Dieu". Cet engagement temporaire pour éprouver le sérieux de ma fidélité quotidienne, il peut éclairer le jugement de mes Supérieurs et de mes frères. Il y a une quête d'authenticité qui ne peut se faire que dans la charité d'un don de soi déjà exprimé et vécu dans le partage fraternel permanent tel que le suppose toute vie religieuse. Vivre à l'intérieur pour être compris en ce qui me tient à cœur. "Vivre parmi" pour mieux adhérer à ce que je dois devenir.
3.
Dieu même peut exiger ce délai (le fait que l’Église l'estime nécessaire est l'expression de cette volonté de Dieu). Les dons de Dieu sont repentance, mais la fidélité de Dieu s'explicite comme un long cheminement. Il faut accepter que Dieu puisse lui-même "infléchir " la trajectoire ; lui laisser éprouver ce qui est premier - le DON de soi dans la vie religieuse - pour qu'il éclaire les modalités de ce don et au besoin, en modifie l'expression actuelle.
Cahier personnel 1.0.71, p. 331-333
Il y a aussi cet attachement fraternel qui, à côté des travers, découvre et cultive ce qui est unique en l'autre, et même irremplaçable dans la complémentarité de la mise en commun des aptitudes. Dans cette optique, nous formons ici un beau bouquet de fleurs des champs : toutes les fonctions sont tenues sans réel double emploi (éventail des capacités) ; chaque fleur n'a rien d'extraordinaire, mais l'ensemble est seyant dit-on ; Il y a là un secret de la logique monastique qui m'enchante depuis qu'il est venu éclairer mon étonnement de nous voir si différents, appelés à la même tâche d’Église. Nous pouvons, grâce à ces talents divers, assurer un modeste équilibre matériel sans main-d'œuvre extérieure : jardin, rucher (d'où lavande), et un petit moulin à huile, fournissent la table et l'apport complémentaire.
Lettre à frère Vincent Desprez, 9. 01. 72, p. 335-336
Frère Christophe :
Chacun a sa réponse unique et personnelle à vivre. Plus il est fidèle (plus il est pauvre) plus il enrichit les autres. Ainsi chacun se reçoit pour une part de l'effacement des autres, et contribue à leur sainteté.
Il y avait hier matin, au chapitre, une lumière très douce entre nous. Nous étions "tout regard" à l'écoute des uns des autres :" à l'écoute de Toi "
Cité dans Aime jusqu'au bout du feu
Démarche synodale avec les Bienheureux Frères de Tibhirine,
« Nous mettre à leur école pour entrer dans la joie et le bonheur qui a été le leur et qui a résisté à toutes les tribulations »
Marie-Dominique Minassian.
auteure du livre :
Moines de Tibhirine - Heureux ceux qui espèrent -Autobiographies spirituelles.
Tous les textes cités ci-contre sont tirés de cet ouvrage
I. La relation à Dieu
. 1 Aimer et être aimé
.
2 dans le doute et l'épreuve
. 3
accompagné par des frères
II. En communauté
III. Espérance
IV. Grâce de Noël