Accueil
Présentation grenier - cisterciens
La pensée cistercienne :
- message : l'amour, l'Incarnation, Marie, l'existence chrétienne
-sermons de saint Bernard de Clairvaux à partir du Cantique des Cantiques, extraits
- florilège : très souvent cités : l'amitié, la joie, la prière, le repos, le silence... et bien d'autres
Un aujourd'hui de la vie cistercienne : les événements - Tibhirine - la lectio divina - la liturgie
L'histoire du monachisme cistercien
contact
TROISIEME ETAPE : L'EXPANSION BENEDICTINE
3. Règnent les rois carolingiens
Les pages d'histoire sont rédigées après de nombreuses consultations de divers documents. Cependant la majorité des propos de celle-ci se trouve dans le livre d'histoire : "Les moines en occident", d'Ivan Gobry
A. Chef spirituel autant que temporel !
En 751, Pépin, fils de Charles Martel, fort des victoires remportées par son père, prétend à la couronne de roi des Francs. Il n'est que « maire du palais » Pour être roi et le demeurer il faut être reconnu... Il se tourne alors vers l'autorité, la seule qui soit bien établie à cette époque : l'autorité du Pape. Il lui pose la question : « les rois n'exercent plus le pouvoir dans notre royaume, est-ce un bien ou un mal ? » Le Pape qui avait tout avantage à le favoriser lui aurait répondu : « Il vaut mieux appeler roi celui qui exerce le pouvoir véritablement afin que l'ordre ne soit pas troublé ». Pépin dépose alors le dernier roi mérovingien, Childéric III dont la légitimité est contestée. Lors du « champ de mai » - assemblée habituelle des « grands » du Royaume - à Soissons, il se fait acclamer roi. L'évêque Boniface le sacre au nom de la sainte Église catholique. La monarchie de droit divin est instaurée... Le souverain est à la fois chef temporel et spirituel, il édicte les lois ecclésiastiques aussi bien que les lois civiques.
Cette nouveauté au royaume des Francs est la reprise du rite de l'Ancien Testament : pratiquée par le prophète, l'onction de Saint-Chrême sacre les rois. Prêtres et rois qui reçoivent l'onction deviennent comme des « hommes mis à part pour une œuvre sainte ».
La grande figure de cette monarchie à cette époque est Charlemagne, sacré roi des Francs en 754 par le Pape Etienne II puis sacré empereur romain en 800 par le pape Léon III.
Charlemagne est un homme de qualité. Il est homme de paix, il aime la justice. Génie administratif, il ne gouverne pas seul, les lois qu'il édicte sous formes de « capitulaires » sont préparées au cours d'assemblées nationales. Ses envoyés, - les missi dominici - lui permettent de bien connaître son empire.
Il a reçu une profonde instruction. En son palais d'Aix-la-Chapelle il s'entoure des plus grands savants. Il favorise l'enseignement, chaque évêché et monastère accueille gratuitement les enfants dans son école primaire. Bien que diverses langues usuelles continuent à être parlées dans le Royaume il fait adopter le latin comme unique langue officielle.
Comme « chef de l'Eglise » il veille au bon comportement des ecclésiastiques et des religieux, il édite des capitulaires pour que soient corrigés les abus qui sont vécus dans les diocèses, les paroisses, les monastères. « L'évêque examinera chaque année la conduite et la science de ses prêtres ». Aux moines il recommande de garder la règle qu'ils ont promis d'observer et cite largement saint Benoît.
Il va veiller à une bonne évolution des offices liturgiques. Comme l'avait fait son père, Pépin, il aligne la liturgie des Gaules à celle de Rome. Il applique l'adoption du chant grégorien. A cette époque le système de notation de la musique est très rudimentaire, les copistes ne sont pas exempts de commettre des erreurs dans leurs travaux, Charlemagne aura recours à des chantres de Rome pour former des liturges, pour vérifier les copies, pour animer des écoles de chantres... celles de Soissons et de Metz particulièrement réputées.
B. L'œuvre monastique
Sous le règne de ces rois carolingiens, les monastères vont se multiplier.Soit que les souverains en soient les fondateurs, soit qu'ils fournissent ce qui est nécessaire à leur installation. Les barons, les comtes poursuivront également cette extension.
Les moines ont reçu de certains d'entre eux, terrains, bâtiments, églises... en contrepartie ceux-ci exigent un droit de regard sur ce qui se vit à l'abbaye.
Charlemagne nommera des abbés, comme il nommera des évêques ! La direction de monastères pourra même être confiée par les empereurs à des laïcs bien notés à la cour.
La mainmise des propriétaires des lieux pousse les abbayes à solliciter une réelle indépendance, il arrive qu'ils l'obtiennent de l'évêque, de l'empereur ou même du Pape. On distinguera alors trois situations différentes : les monastères qui doivent des biens et une milice, ceux qui doivent biens et prières, ceux qui ne doivent que des prières.
Le développement de la vie monastique se fera également en dehors de l'influence des « puissants ».
C. Un réformateur
Witiza, aristocrate wisigoth, officier royal, abandonne les privilèges d'une brillante carrière pour entrer à l'abbaye de Saint-Seine. Les moines y vivent dans le relâchement. Malgré l'exemple d'ascèse qu'il donne les moines veulent le choisir pour abbé. Celui-ci sait qu'ils ne consentiront jamais aux réformes qu'il souhaite, il refuse et retourne sur ses terres à Aniane pour y vivre une vie de solitaire marquée par des excès de pénitence... Malgré l'austérité il est rejoint par des disciples.
Charlemagne fait alors bâtir un monastère pour cet ancien baron. Witiza - qui a pris le nom de Benoît - ne s'oppose pas. Outre l'abondance des biens l'empereur assure à cette abbaye l'immunité : ils ne doivent aucune redevance à qui que ce soit. A cause de sa richesse cette abbaye fut convoitée par l'archevêque d'Arles qui s'en proclama l'abbé en 890.
Benoît fut remarqué par son attention à exiger un retour stricte à la Règle de saint Benoît. Plusieurs évêques l'appelèrent pour réformer des monastères, Louis le Pieux, roi d'Aquitaine le nomma supérieur des abbayes de son royaume, et supérieur de tous les monastères de l'empire lorsqu'il succéda à son père Charlemagne. Benoît ne put pour des raisons de santé visiter les abbayes comme il aurait dû le faire. Autour de lui furent envoyés des moines de plusieurs lieux pour s'imprégner de l'esprit bénédictin.
4. Le rôle des moines dans la société médiévale
Le moine est l'homme de la prière
Avant d'être évangélisateur et défricheur, le moine est un homme de prière et le monastère une maison de prière où sept fois le jour et une fois la nuit, monte vers Dieu l'hommage de l'Opus Dei.
Le peuple prend l'habitude d'aller auprès des moines. Les laïcs s'adressent à eux comme à des hommes de Dieu, et leur demandent de prier pour eux, de les conseiller spirituellement, de recevoir l'aveu de leurs péchés, particulièrement à des ermites qu'ils peuvent rencontrer plus facilement.
Les monastères, considérés comme citadelles de prière, assurent paix et prospérité aux populations, protection contre les fléaux de la nature et la sécurité en temps de guerre.
Les Monastères : îlots de culture.
Dans la vie du moine la lectio divina, la lecture et l'étude attentive et savoureuse de la Bible et de ses commentateurs, a une place importante. Pratiquée chaque jour, elle constitue un capital intellectuel assez considérable.
Un minimum de culture intellectuelle était assurée aux jeunes moines, oblats, clercs, pour prendre part intelligemment à l'office divin.
Une célébration digne de l'Office supposait que l'on soit initié au chant, à la poésie, aux arts plastiques au moins pour une élite.
Grâce aux moines copistes la culture latine s'est maintenue, les manuscrits de l'antiquité et toute la littérature chrétienne ont été recopiés et étudiés. Les bibliothèques de certains monastères étaient considérables.
Les domaines
Du fait d'importantes donations ou de la conversion à la vie monastique d'aristocrates bien fournis de richesses foncières des monastères ont acquis de grands domaines dès le 6ème siècle. Beaucoup ne sont d'ailleurs que des domaines en puissance qui ont besoin d'être défrichés. Ils le seront pas seulement par les moines eux-mêmes mais sous leur direction, Les serfs n'appartiennent pas aux moines mais au saint sous le patronage duquel vit le monastère.
Beaucoup, ouvriers ou aristocrates trouvent leur place dans les villages, paroisses…. qui se forment autour des monastères, tous s'ouvrent largement aux voyageurs, aux pèlerins, aux pauvres, même si tous n'ont pas les mêmes moyens : locaux, biens matériels, revenus…
Les charges temporelles sont lourdes, pouvoir royal ou local abusent des saisies, ils interviennent dans la vie du monastère nommant des abbés qui ne sont pas forcément des moines. Les moines luttent pour assurer la liberté interne de leur vie religieuse.
Ils devront sans cesse se battre pour acquérir ou reconquérir la liberté qui leur permettra de vivre plus effectivement leur vocation.
Cluny et plusieurs monastères qui s'inspirent de son exemple tâchent de se mettre à l'abri des interventions et accaparements féodaux en se plaçant sous la protection du Pape. Ils développent une grande indépendance vis à vis de toutes les autorités, surtout les plus proches. C'est l'exemption.
Influence religieuse du monachisme.
L'orientation théocratique de la vie des moines : recherche incessante de Dieu, qui se retrouve dans toutes les démarches de la vie, a favorisé la sacralisation de la société médiévale. L'église domine le paysage, elle étend sa protection sur les maisons groupées autour d'elle, symbole d'une priorité acceptée et voulue.
Les chrétiens participent à l'office divin : malgré le latin, on sait ce qu'est la prière. Dans cette société médiévale le culte a une place d'honneur, hommages aux reliques, pèlerinages font partie de la vie du peuple.
La foi des moines a été contagieuse, elle a contribué à éveiller la foi dans des générations d'hommes qui ont vécu au contact des monastères, l'évangélisation de l'Europe et la christianisation de sa pensée et de ses comportements se sont faites par osmose plus que par prédication directe. On peut aussi parler du culte de la beauté, mise au service de Dieu mais aussi recherchée dans les plus humbles choses.
La règle de saint Benoît s'est imposée grâce à sa clarté, à sa concision, à son économie qui intégrait avec une étonnante cohérence les contraintes de la vie quotidienne et l'idéal spirituel : relation à la personne du Christ, pour l'amour des pauvres, des souffrants, pour le respect de la dignité de tous.
L'Influence monastique est impossible à cerner. Cependant des études tentent aujourd'hui d'exposer les effets qu'elle a eu sur l'Europe occidentale… une part de ses « racines chrétiennes »
Première photo : wikipedia commons - Charlemagne, entouré de ses principaux officiers, reçoit Alcuin qui lui présente des manuscrits réalisés par ses moines. Jean-Victor Schnetz, 1830, musée du Louvre, Paris.
Deuxième photo : wikipedia commons - Saint Benoit de Nursie tenant le livre de la « Règle » et saint Benoît d'Aniane tenant le modèle du monastère d'Aniane (Bas-relief du 17e siècle ; église de Saint-Guilhem-le-Désert).
Troisième photo : manuscrit Tamié