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L'histoire du monachisme cistercien
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DEUXIEME PARTIE     L'O R D R E   C I S T E R C I E N

2. Enracinement et premiers essors

Abbatiat d'Albéric 
alberic

Robert ayant rejoint l'abbaye de Molesme, au « Nouveau Monastère » Albéric fut choisi pour Abbé. Il avait été l'un des plus ardents défenseurs de la nouvelle fondation. Il représentait bien les aspirations de tous. D'après les historiens peu de documents relatent les événements de cet abbatiat. 

Pour éviter tout litige avec Molesme et autorités de l'Eglise, Albéric demanda au Pape sa protection apostolique, elle lui fut accordée. 

Entre mars 1100 et mars 1101, il fit déplacer le monastère de quelques centaines de mètres, dans un lieu où l'eau était plus abondante. 

En novembre 1106 l'évêque de Chalon vint consacrer l'église abbatiale : un petit sanctuaire de 15m sur 5... Cette dimension témoigne du petit nombre des moines, de la modestie de leurs moyens. En même temps elle montre l'accomplissement de leur projet, la communauté s'enracine dans la simplicité. (Pour mémoire : la troisième église abbatiale de Cluny devait mesurer 187 m de long !) 

Pas de recrues ! Le choix de la solitude et de l'aridité éloignait tout voyageur, l'ascèse qui y était pratiquée pouvait faire peur. Albéric en fut attristé. il meurt le 26 janvier 1109. 

 

Le troisième fondateur : Etienne Harding

Le religieux 
etienneC'est alors le deuxième bras droit de Robert qui est choisi pour Abbé : Etienne Harding. 
C'est un anglais. Il a été religieux à Sherborne.

Au retour d'un pèlerinage en Italie il fait un séjour à Vallombreuse, abbaye qui venait d'initier une mise en œuvre de la stricte règle de saint Benoît. Il passe ensuite à Molesme où il reste ! séduit par l'idéal qui anime certains des religieux. Il y deviendra l'un des plus vifs partisans d'une profonde réforme de la vie monastique. 
Dans « L'histoire ecclésiastique » Orderic Vital le décrit comme un « homme de grande piété et sagesse » et Guillaume de Malmesbury dans l'histoire des rois d'Angleterre : « Le voilà donc trompette éclatante de Dieu, qui conduit vers le ciel par la parole et par l'exemple les frères réunis autour de lui. Affable, le visage aimable, l'esprit toujours joyeux dans le Seigneur. Au-dehors ses traits rayonnent de bonheur ; mais, dans le secret, des larmes de componction inondent son visage : il n'a plus goût pour cette terre, son amour le porte d'un désir constant vers la patrie (céleste). » 
Son abbatiat va durer 25 ans. Un long temps qui va lui permettre de suivre l'évolution de l'Ordre et de favoriser une solide organisation, fidèle aux perspectives des premiers fondateurs. Il le fait par idéal monastique mais aussi  en donnant libre cours à son goût de la rigueur, de la précision...

Parfaire l'installation.
Albéric avait sans doute fait quelques démarches en ce sens : trouver des ressources supplémentaires indispensables pour survivre ! Dans les années 1109 à 1112 le monastère reçoit quelques terres des seigneurs voisins et des « droits d'usage » dans les forêts proches. Les moines pourront ainsi échapper à la famine menaçante mais ils sont trop peu nombreux et âgés pour assurer défrichage et exploitation : Etienne engage pour les aider quelques domestiques laïcs qu'il nourrit et entretient. 
Bienvenus, quelques hommes entrent au monastère... mais bientôt « Les ressources dont ils disposaient ne pouvaient leur suffire ni le lieu où ils résidaient les abriter complètement ». Quelques moines vont fonder le monastère de La Ferté. En 1112 ou 1113, à une année près disent des historiens, la chronologie est incertaine. « Une part des moines serait séparée des autres par le corps mais non par l'âme, ils serviraient Dieu dans la dévotion et la régularité » Déjà Etienne Harding affirme deux principes importants de la communion des personnes dans l'ordre cistercien : les moines sont tous « unis par l'âme » et vivent « dans la régularité ». 
L'entrée de Bernard de Fontaine et d'une trentaine de ses compagnons au Nouveau Monastère nécessite l'expansion. Pontigny est fondée en mai 1114, et Clairvaux et Morimond en 1115. 
Le Nouveau Monastère bénéficie alors de l'estime des seigneurs et des évêques... Morimond est fondée à la demande d'un ermite qui désire s'adjoindre des frères. 

Nouvel essor et organisation 
Des évêques demandent la fondation d'un monastère cistercien : La Cour-Dieu dans la région d'Orléans, Bonnevaux dans le diocèse de Vienne, l'Aumône dans la région de Blois et Preuilly en Seine et Marne voient le jour ! Les premières fondations essaimeront à leur tour. Ce sont alors seize abbayes plus ou moins éloignées les unes des autres qui forment l'Ordre. Le « Nouveau Monastère » ne mérite plus son nom ! Il devient l'abbaye de Cîteaux. Etienne Harding procède alors à une organisation générale. Afin que soit toujours connues les origines de l'ordre et les choix qui ont motivé les fondateurs il fait rédiger son histoire. Ce document deviendra « le petit exorde ». Au moment de la fondation de Pontigny, la deuxième du nouveau monastère Etienne Harding commence à rédiger ce qui deviendra la « Charte de Charité », « Afin qu'il n'y ait aucune discorde dans nos actes, mais que, en une seule charité, une seule règle, nous vivions selon des coutumes semblables ». Afin d'éviter une dépendance hiérarchique chaque abbaye est autonome mais un pacte d'amitié les lie les unes aux autres pour une entraide fraternelle. L'écrit primitif d'Etienne Harding subira rapidement quelques ajouts pour répondre aux problèmes qui se faisaient jour.

TEXTES HISTORIQUES 

Une certaine tristesse affecta cet homme de Dieu, l'abbé dont nous avons parlé (Albéric), et les siens : il était rare que quelqu'un  en ces jours, vînt se joindre à eux pour les imiter. Ces hommes saints, ayant trouvé par la grâce du ciel le trésor des vertus, brûlaient du désir de le transmettre à des successeurs pour le faire servir au salut d'un plus grand nombre ; mais presque tous ceux qui voyaient l'austérité inaccoutumée et presque inouïe de leur vie ou qui en entendaient parler étaient plus pressés de s'éloigner d'eux de cœur et de corps que de s'approcher, et ils ne cessaient de douter de leur persévérance. Cependant la miséricorde de Dieu, qui avait inspiré aux siens de créer cette milice spirituelle, ne tarda pas à la développer et à la mener à sa perfection au profit d'un grand nombre, comme la suite le montrera. (Petit Exorde n° 16)

Lettre de Etienne Harding au monastère bénédictin de Sherbone.
Seule lettre privée de cet auteur qui ait été conservée. 

À Thurstan, vénérable abbé de Sherborne, et à la communauté confiée par Dieu à ses soins, frère Étienne, serviteur de l'Église de Cîteaux : craignez le Christ avec amour, aimez-le avec crainte. 

Le rôle d'une lettre est de s'adresser aux absents comme s'ils étaient présents et de réunir sous une même charité ceux que la distance sépare. Aussi puisque vous êtes nos os et notre chair, je vous demande d'avoir la patience de me supporter un peu, moi qui vous écris ces quelques mots. 

J'ai été moine chez vous et avec mon bâton j'ai traversé la mer de sorte qu'en moi, le plus petit d'entre vous tous, qui n'avais aucune importance quand j'étais chez vous, le Seigneur fit voir les richesses de sa miséricorde et vous provoquât à rivaliser avec moi.
En effet, telle une source vive il a rempli le vase vide comme il l'a voulu, de sorte que vous, qui étiez meilleurs du fait de la grande sainteté de votre lignée, vous ayez le courage de garder fermement le mode de vie monastique et de compter sur le Seigneur.
En effet, moi qui suis sorti de mon pays seul et pauvre, maintenant c'est riche et entouré de quarante troupes que j'entre joyeux sur le chemin de toute chair, attendant avec confiance le denier promis aux ouvriers qui travaillent fidèlement à la vigne. 

C'est pourquoi je fais appel à votre amour : efforcez-vous de faire de la bonne réputation qui, de chez vous, s'est répandue jusqu'à nous, l'occasion d'un nouveau progrès dans la vertu. De la sorte progressant du bien vers le mieux et vous attachant fermement au véritable mode de vie monastique, vous ne cesserez de garder de cœur et de corps jusqu'à la mort la chasteté et l'humilité, vous exerçant avec zèle à la frugalité, sans manquer à la charité, pour mériter de voir le Dieu des dieux. Amen. 

Textes historiques tirés du livre "Origines cisterciennes", éd du Cerf.