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L'histoire du monachisme cistercien
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Dans ses sermons sur le Cantique des cantiques
BERNARD de CLAIRVAUX CHANTE L'AMOUR
Sermon 23 : Demeurer... jusqu'au repos
« Le roi m’a fait entrer dans ses celliers. » (Ct 1, 3)
Puisqu'il commente le cantique, Bernard va aujourd'hui exprimer tout ce que son imagination et sa foi lui inspirent dans l'accueil du roi dans ses celliers, : cet accueil dont il fait l'expérience...
Voilà d’où sort l’odeur, voilà où l’on court. Comment faut-il entendre ces celliers ? Représentons-nous en attendant des lieux parfumés dans la maison de l’Époux, des lieux pleins d’aromates, remplis de délices. Dans une telle officine on dépose, pour les conserver, tous les meilleurs produits du jardin ou des champs.
Qui ? « les âmes ferventes dans l’Esprit » (Ro 12,11). L’épouse court, les jeunes filles courent. Pourtant, celle qui aime avec plus d’ardeur court plus vite et arrive plus tôt.
Et les jeunes filles ? Elles suivent de loin car encore faibles, elles ne peuvent ni courir avec la même ardeur que l’épouse, ni imiter entièrement son désir et sa ferveur. Arrivées plus tard, elles restent dehors.
Mais la charité de l’épouse ne prend pas de repos. Elle n’oublie pas les jeunes filles, au contraire, elle les console et les exhorte à la patience. Elle leur fait connaître la joie ressentie, tout simplement pour qu’elles partagent cette joie. Il faut bien qu’elle imite son Époux qui, remontant au ciel, n’en promet pas moins de rester sur la terre avec les siens. De même l’épouse quelque progrès qu’elle fasse, à quelque perfection qu’elle atteigne, ne détourne jamais ses soins, sa prévoyance et son affection de celles qu’elle « a enfantées à l’Évangile ». 1 Co 4, 15 (§ 1)Voyons comment il faut entendre les celliers selon le sens spirituel. Dans la suite du texte, on fait mention aussi d’un jardin et d’une chambre : je les joins maintenant l’un et l’autre à ces celliers. Cherchons donc dans les saintes Écritures ces trois mots : jardin, cellier, chambre. Car c’est en eux que l’âme assoiffée de Dieu demeure et s’attarde avec plaisir, sachant qu’elle y trouvera sans doute celui dont elle a soif. Disons donc que le jardin exprime l’histoire pure et simple ; le cellier, le sens moral ; la chambre, le mystère de la vision contemplative. (§ 3)
Premièrement pour l’histoire, je pense que je l’ai assez bien désignée par le jardin. On y trouve des hommes vertueux, semblables à des arbres fruitiers dans le jardin de l’Époux et dans le paradis de Dieu. Les exemples de leurs bonnes actions et de leur sainte vie sont autant de fruits que tu peux cueillir. Qui pourrait douter que l’homme de bien est une plante de Dieu ? Ecoute le prophète : « Le juste fleurira comme le palmier et se multipliera comme le cèdre du Liban » ((Ps 91, 13).
L’histoire est donc le jardin et elle se divise en trois parties. En effet elle comprend la création du ciel et de la terre, leur réconciliation et leur renouvellement.
La création correspond à l’action de semer et de planter le jardin, tandis que la réconciliation est comme la germination de ce qui a été semé et planté. Car au temps fixé, « Les cieux répandirent leur rosée et les nuées firent pleuvoir le juste, la terre s’ouvrit et d’elle germa le Sauveur » (Is 45, 8). Quant au renouvellement il n’aura lieu qu’à la fin des temps. Il y aura en effet « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21,1). (§ 4)Selon l’interprétation morale, il y a aussi trois choses à remarquer, comme trois celliers en un seul.
L’épouse a été introduite dans le cellier du vin.
Donnons des noms aussi aux deux autres. Appelons l’un cellier des aromates, et l’autre le cellier des parfums.
Note que chez l’Époux toutes choses sont à la fois salutaires et douces : vin, aromates, parfums. A juste titre donc l’épouse se réjouit d’avoir été introduite en un lieu, où foisonne une telle profusion de grâce. (§ 5)Selon l’interprétation morale, il y a aussi trois choses à remarquer, comme trois celliers en un seul.
L’épouse a été introduite dans le cellier du vin. Donnons des noms aussi aux deux autres. Appelons l’un cellier des aromates, et l’autre le cellier des parfums.
Note que chez l’Époux toutes choses sont à la fois salutaires et douces : vin, aromates, parfums. A juste titre donc l’épouse se réjouit d’avoir été introduite en un lieu, où foisonne une telle profusion de grâce. (§ 5)Mais j’ai pour les celliers d’autres noms encore qui, me semble-t-il, se comprennent de façon plus évidente. et pour les nommer dans l’ordre, je donnerai au premier cellier le nom de Discipline, au deuxième celui de Nature, au dernier celui de Grâce. Suivant l’ordonnance de la morale, tu apprends dans le premier à être inférieur, dans le deuxième à être égal, dans le dernier à être supérieur. Ou encore : à être subordonné, à être sur le même plan, à gouverner. En premier lieu donc tu apprends à être disciple, puis compagnon, et enfin maître. (§ 6)
Comme le choc violent du pilon dégage et distille les vertus et les senteurs des essences, de même, dans le cellier des aromates, la vertu de l’enseignement et la rigueur de la discipline expriment et font jaillir, en quelque sorte, la vertu naturelle d’un comportement droit.
Dans le cellier des parfums, par contre, l’agréable douceur d’une affection spontanée et comme innée s’empresse de rendre service.
Quant au cellier du vin, je pense qu’il porte ce nom pour la simple raison qu’on y entrepose le vin du zèle, qui fermente dans la charité. Ce cellier je l’ai nommé aussi cellier de la grâce en celui-ci on en reçoit la plénitude. (§ 7)Venons-en maintenant à la chambre.
Il faut chercher la signification de la chambre du Roi dans le mystère de la vision contemplative. Je pense que le Roi n’a pas seulement une chambre mais plusieurs.
« les concubines sont nombreuses et les jeunes filles sans nombre. » (Ct 6, 7) Chacune trouve son propre lieu secret pour rencontrer l’Epoux. « Mon secret est à moi » (Is 24,16), mais chacune en est « gratifiée comme le Père en a disposé. » (Mt 20, 23) Car ce n’est pas nous qui l’avons choisi, c’est lui qui nous a choisis et nous a établis à notre place (cf Jn 17, 24) et chacun demeure à la place où il a été établi par lui. (§ 9) « Il y a beaucoup de demeures » (Jn 14,2) chez l’Epoux. « La reine, la concubine ou même n’importe quelle des jeunes filles » (Ct 6,7) reçoivent chacune la place correspondant à ses mérites. Elle reste jusqu’à ce qu’il lui soit permis d’avancer par la contemplation, d’ « entrer dans la joie de son Seigneur » (Mt 25,21) et de pénétrer les doux secrets de l’Epoux.
L’une ressemble à la salle d’un maître qui enseigne, l’autre, la chambre de la crainte au tribunal d’un juge (§14)
Mais aucune des jeunes filles, des concubines et même des reines, n’est admise à ce secret de la chambre que l’Époux réserve uniquement pour « sa colombe, sa toute belle, sa parfaite, son unique » (Ct 6, 8).
A ma connaissance l’épouse elle-même ne pénètre pas ici-bas le secret comme elle le voudrait, aussi demande-t-elle avec insistance « qu’on lui montre où l’Époux mène paître son troupeau, où il se repose à midi » (Ct 1, 6). (§ 10)
Il est un lieu chez l’Epoux, élevé et secret, mais nullement tranquille. Bien que l’Epoux, « dispose toutes choses avec douceur » il ne permet pas à celui qui a pu pénétrer jusque là par la contemplation de demeurer tranquille. De façon saisissante, bien qu’agréable, il le pousse sans cesse à scruter et à admirer, il ne le laisse pas en repos. L’épouse exprime avec finesse l’un et l’autre : le plaisir et l’inquiétude de cette contemplation. C’est lorsqu’elle avoue « qu’elle dort et que son cœur veille ». Par le sommeil, elle désigne la tranquillité de cet émerveillement si doux et de cette admiration paisible. Par la veille, elle signifie la fatigue de la recherche inquiète et de l’exercice laborieux.
Mais il est un lieu où Dieu se montre apaisé et apaisant : c’est là la chambre de l’Époux.
Là on voit clairement que « la miséricorde du Seigneur sur ceux qui le craignent est de toujours à toujours » (Ps 102, 17).
Ô lieu vraiment paisible que je puis sans erreur appeler chambre !
« On y éprouve la volonté bienveillante de Dieu et sa bonté parfaite » (Rom 12, 2). Ici on trouve le vrai repos.
Le Dieu de la sérénité rend toute chose sereine. Le contempler dans son repos c’est se reposer soi-même. Peut-être est-il arrivé à l’un d’entre vous d’avoir été parfois ravi et caché dans ce mystérieux sanctuaire de Dieu. Là ne peuvent plus le distraire ni le troubler les besoins du corps, la hantise des soucis, le remords des fautes, et même les fantasmes des images sensibles qui font irruption et qu’il est difficile de rejeter. (§ 16)
Voir présentation des commentaires de saint Bernard sur le Cantique des cantiques
et la liste des extraits cités